Si la nécessité d’avoir une paire de lunettes pour voir changer la face du monde et innover est l’un des premiers concepts fondateurs de mia et de sa philosophie, comme nous l’avons vu dans un premier article, le besoin de développer une approche effectuale pour passer à l’action est un autre de ces concepts fondateurs.
Vous éclairer sur l’approche effectuale et ses implications est l’un des objectifs de la rubrique #tia [territory in action]. Commençons dès à présent !
Sans doute, est-il beaucoup plus facile de piloter le projet de construction d’un avion futuriste, qu’une démarche de prospective territoriale.
Dans le premier cas l’intention est précise, il reste à apprécier la faisabilité d’un tel projet, les recherches permettront de réunir l’ensemble des informations nécessaires pour décider du financement. Une fois la décision prise, il s’agira de suivre ce que tous les manuels de management appellent « une démarche projet ».
Dans le cas d’approches dites « causales », la plupart des données sont connues, les risques sont identifiés, l’ingénierie employée permet de tracer un chemin qui conduit de la situation d’origine à la situation désirée.
Rien de comparable avec la fabrication d’un projet de territoire dans lequel la démarche consiste à fournir aux producteurs des représentations susceptibles d’éclairer le devenir du territoire et de permettre que s’opèrent certains choix. Il s’agit moins de dicter la marche à suivre, mais d’agir sur l’environnement cognitif des acteurs afin qu’ils prennent les bonnes décisions.
Et contrairement à la construction d’un avion, dans le cas d’une approche effectuale, nous sommes dans l’incapacité d’apprécier la situation d’origine sous tous ces aspects : problématiques à traiter, volonté des acteurs, marges de manœuvre réelle du territoire, nous avons généralement une vague idée du point d’arrivée, puisque c’est l’objectif de la démarche, et le chemin que nous comptons suivre amène à reconsidérer le point d’origine et les intentions.
Les démarches que nous pilotons sur les territoires traitent d’éléments de connaissance qui ressemblent le plus souvent à un couteau dont, dirait le Canard Enchainé, on n’a « jamais vu ni la lame, ni le manche ».
Elles ne conduisent pas à construire un avion, mais un objet qui vole. Dans de tels systèmes, la rationalité causale ne fonctionne pas, car définir des objectifs précis au préalable est quasiment impossible.
Pour imaginer ces nouveaux possibles, il faut pouvoir s’appuyer sur une nouvelle compétence, précieuses pour concevoir les projets : la maitrise d’usage et ne pas seulement se contenter de la décision d’un maître d’ouvrage qui demande l’exécution d’une décision à un maître d’œuvre.
Ces deux approches ne s’opposent pas et sont complémentaires. L’approche effectuale est plus efficace en phase de démarrage (en mode conception), l’approche causale quant à elle devient plus pertinente lorsque que le projet est une solution et peut être exécuté. Dans la pratique, il serait plus judicieux de faire deux cahiers des charges correspondant à chacune des deux approches.
Leur complémentarité est indispensable pour identifier des enjeux, formuler des hypothèses plus robustes pour prendre des décisions rapides, et des hypothèses plus aléatoires qui ouvriront la voie à des stratégies d’expérimentation, construire des programmes d’actions selon différents modes (cf article Vincent Pacini, une connaissance hybride pour passer du mode récit au mode projet).